Petit cours d'épidémiologie mathématique
Fonctions d'incidence

Julien Arino

Department of Mathematics & Data Science Nexus
University of Manitoba*

Centre canadien de modélisation des maladies (CCDM/CCMM)
NSERC-PHAC EID Modelling Consortium (CANMOD, MfPH, OMNI/RÉUNIS)

* The University of Manitoba campuses are located on original lands of Anishinaabeg, Cree, Oji-Cree, Dakota and Dene peoples, and on the homeland of the Métis Nation.

Plan de ce cours

  • Fonctions d'incidence
  • Un bestiaire de fonctions
  • Exemple de problème lié aux fonctions d'incidence
  • Un peu plus sur les changements d'incidence

Fonctions d'incidence

Avant de continuer, discutons un peu les fonctions d'incidence, qui décrivent la façon dont les contacts entre individus ont lieu et comment ils se traduisent en transmissions de la maladie

Voir en particulier McCallum, Barlow & Hone, How should pathogen transmission be modelled?, Trends in Ecology & Evolution 16 (2001)

Fonction d'incidence versus force d'infection

Deux formes différentes de la fonction représentant le taux de mouvement d'individus du compartiment vers les compartiments infectés:

  • est une fonction d'incidence
  • est une force d'infection

Les deux sont équivalentes, c'est le contexte qui tend à conduire au choix de la forme utilisée. Par exemple, les modèles en EDP structurés en âge d'infection doivent intégrer sur l'âge et par conséquent utilisent fréquemment la force d'infection

Interactions - Infection

  • Le taux auquel des nouveaux cas apparaissent est la fonction d'incidence

  • Depend du nombre de susceptibles, d'infectieux et parfois, de la population totale
  • Une fonction d'incidence inclut deux composantes:
    • un décompte du nombre de contacts ayant lieu
    • une description de la probabilité qu'un tel contact, quand il a lieu, entraîne la transmission du pathogène

Le choix d'une bonne fonction est difficile et est probablement l'une des parties les plus "instables" dans la modélisation de la propagation des maladies infectieuses

Les deux fonctions d'incidence les plus usitées

Les deux fonctions d'incidence les plus usitées sont l'incidence en action de masse

et l'incidence standard (ou proportionnelle)

Dans les deux cas, est le coefficient de transmission de la maladie, bien que son interprétation exacte varie

Des unités de

Si est la population du compartiment au temps , alors a pour unités nombre/temps

Dans une équation différentielle, les termes à gauche et à droite du signe "" doivent avoir les mêmes unités

La fonction d'incidence a donc unités nombre/temps

(Et si on utilise une force d'infection, les unités sont 1/temps)

Incidence en action de masse

a pour unités nombre/temps si a pour unités

Incidence standard

a pour unités nombre/temps si a pour unités

Incidence en action de masse

  • Le mélange des susceptibles et infectieux est homogène
  • Ceci est une hypothèse forte: le nombre de contacts est le produit du nombre de susceptibles et du nombre d'infectieux, donc chaque individu susceptible peut potentiellement rencontrer chaque individu infectieux

(d'où le nom, par analogie avec la dynamique des gas en chimie/physique)

Quand la population est grande, cette hypothèse devient irréaliste

Incidence standard (proportionnelle)

Autre forme de fonction d'incidence très utilisée

Chaque susceptible rencontre une fraction des infectieux

Ou vice-versa! Voir, p.ex., Hethcote, Qualitative analyses of communicable disease models, Mathematical Biosciences (1976)

Cas d'une population plus grande

Population constante

Quand la population totale est constante, bien des fonctions d'incidence sont équivalentes qualitativement

Supposons que , alors

avec ce , et sont identiques

Rappelez-vous que les unités diffèrent, toutefois

Un bestiaire de fonctions

Incidence générale

Ces fonctions furent introduites avec pour but l'ajustement aux données: pour ajuster, cela ajoute deux paramètres . On verra toutefois que bien du travail théorique utilise cette incidence

Incidence avec refuge

Effet de refuge; une proportion de la population est vraiment susceptible, par exemple du fait d'hétérogénéités spatiales

Incidence binomiale négative

Pour des petites valeurs de , ceci décrit un processus d'infection très concentré, tandis que lorsque , on tend vers une incidence en action de masse

Contact asymptotique

est l'une des fonctions déjà décrites

Quand , les contacts sont proportionnels à , tandis que lorsque , les contacts sont indépendants de

Transmission asymptomatique

est une constante. Par ex.,

avec la fonction décrivant le taux de contact et la fonction décrivant la propagation de la maladie, que l'on suppose ici être une incidence binomiale négative

Incidence changeante

Arino & McCluskey, Effect of a sharp change of the incidence function on the dynamics of a simple disease, Journal of Biological Dynamics (2010)

Exemple de problème lié aux fonctions d'incidence
Changer de forme ou saturer?

C. Kribs-Zaleta. To switch or taper off: the dynamics of saturation, Mathematical Biosciences (2004)

Deux fonctions d'incidence différentes

On va considérer le rôle de deux fonctions différentes: une fonction continue et différentiable

et une continue mais avec un switch (transition abrupte?)

Ces fonctions représentent la saturation de façon différente

center

Le modèle

Modèle SIS en population non constante

Adimensionalisation du modèle

Soient , et Alors

Le nombre de reproduction élémentaire

Quelle que soit la fonction d'incidence utilisée

Avec , il y a 2 sous-modèles

Cas I ; 3 équilibres dans :

  • l'origine, toujours instable
  • l'ÉSM , GAS quand
  • un ÉE unique qui existe et est LAS quand

Cas II . On a 4 équilibres :

  • l'origine, toujours instable
  • l'ÉSM (), GAS quand
  • un ÉE unique qui existe et est LAS quand
  • un PÉ d'extinction () qui existe quand et est LAS ssi, i.e., quand mais l'ÉE n'existe pas

Soit

Si , tous les équilibres sont sous le point de changement et le modèle se réduit au Cas I (modèle sans saturation)

Si , il y a un seul ÉSM (ainsi que l'équilibre trivial instable) et il y a un ÉE unique qui est l'ÉE du Cas I ssi

et l'ÉE du Cas II sinon

Le modèle avec switch n'a pas le PÉ d'extinction du Cas II

Dans le modèle avec switch

Dans le modèle avec saturation différentiable

On a le PÉ trivial (instable), l'ÉSM (GAS lorsque ) et un ÉE unique qui existe et est LAS lorsque

La principale entre les modèles est quantitative: le lieu où change; ceci reflète que

Les deux modèles prédisent l'éradication de la maladie pour une grande région de l'espace des paramètres et excluent la possibilité d'extinction que permet le modèle classique avec incidence standard

Aussi, dans les 2 cas, l'ÉE est t.q.

i.e., pour (i.e., ), la prévalence en l'ÉE n'approche jamais 100% parce que la résilience reproductrice de la population est si basse que la population devient trop petite pour que la maladie se propage à tous, quelle que soit la valeur de

Un peu plus sur les changements d'incidence

  • Le modèle de base
  • Incidence dépendante de la densité de population
  • Cas où l'infection dépasse les capacités de traitement

JA & McCluskey Effect of a sharp change of the incidence function on the dynamics of a simple disease, Journal of Biological Dynamics (2010)

Le modèle de base

Le modèle de base

Donc la dynamique de la population totale est

et le système a des ÉE ssi

On passe au système en proportions et . La population totale n'est pas constante et on considère donc

avec

et où on définit

et l'on suppose que cette limite existe (on exclut par exemple que soit sous-linéaire en près de 0)

Les solutions de - dans la bande positivement invariante

existent pour tout

Incidence dépendante de la densité de population

Incidence dépendante de la densité de population

Le premier cas qu'on considère est celui avec une incidence de la forme qu'on a déjà vu

où l'on normalise pour que

On note la partie de et celle où

Dans , on a une solution explicite

Supposons qu'à l'instant , on ait . Alors il existe un intervalle potentiellement infini avec extremité gauche le point , tel que pour tout , on a avec

et

Soit

Pour toutes les valeurs des paramètres, l'ÉSM est

  • Si , il n'y a pas d'autre PÉ et est GAS
  • Si , est instable
  • Si , alors la présence d'ÉE , dépend de
    • Si , LAS
    • Si , pour tout
    • Si , n'existe pas
  • Si , il n'y a pas d'ÉE

Cas où l'infection dépasse les capacités de traitement

Cas où l'infection dépasse les capacités de traitement

Supposons

soit, en proportions, est de la forme

Les régions dans le plan

Ici, le changement ne se fait pas pour une valeur de mais le long de l'hyperbole , pour , et on adapte les régions et

Équilibres

On a potentiellement 3 PÉ

avec

et

Le système - avec incidence a, potentiellement, 3 PÉ, dont la stabilité est donnée par la table sur le transparent suivant, dans laquelle on utilise

et

GAS N'existe pas N'existe pas
Instable GAS N'existe pas
, , Instable Instable LAS
, , Instable Instable Instable
, Instable GAS N'existe pas
Instable Instable N'existe pas

La SAG est obtenue en utilisant une extension du Théorème de Dulac prennant en compte l'existence, dans un champ , d'une courbe sur laquelle le champ est

Ce système admet des solutions périodiques

On se place dans le cas

, , Instable Instable LAS
, , Instable Instable Instable

Pour tout et tout , il existe t.q. le système - avec incidence a une orbite périodique non triviale dans (boule ouverte centrée en et de rayon ) pour